Philosophie
Bernard Forthomme
PostureVerticale
Et je tiens tout d’abord à m’expliquer quant au choix du terme parrèsie pour nous aider à penser les relations entre la verticalité et la droiture. Avant de préciser plus loin ce concept de parrhèsia, notons d’entrée de jeu l’étymologie de ce terme grec classique et néotestamentaire : il se compose de deux mots, l’un marquant la totalité (pan) et l’autre l’action de parler, de prononcer un discours (rhèsis, non pas logos). Autrement dit, le vocable tend à signifier l’acte de tout dire. Mais si le concept de parrèsie évoque bien l’idée d’un acte de parole et même de franc-parler, d’assurance à prendre publiquement la parole, il comprend aussi la connotation de verticalité corporelle, de la tenue debout, tête haute, en faisant front, autant que l’idée d’une rectitude intellectuelle et morale, d’une franchise, mais peut-être d’abord d’une attitude politique, comme nous le verrons plus loin. La parrèsie est d’abord une manifestation publique, grâce au franc-parler, du citoyen libre et autochtone.
D’où la proximité du concept de parrèsie avec la notion de liberté et, péjorativement, avec celle d’insolence, d’excès de familiarité ou d’illusion du « tout dire », de tout pouvoir dire. Ce qui ouvre le champ au déploiement de la méfiance ascétique sous forme de soupçon, d’examen critique de soi.La parrèsie est alors l’objet de l’exercice initial d’une épure spirituelle ou du recueillement (recogimiento). Mais retenons tout d’abord deux occurrences bibliques. (...)
Le déclin ambigu des figures médiatrices
Le feuilleté du temps : le déclin des maitrises et des figures médiatrices comme celle des ancêtres, des chamanes, ds rois, des prêtres, des profètes, des sages ou des apôtres, mais aussi des poètes et des philosophes, nous interroge au même titre que la crise de l'éducation, de la liberté personnelle ou de la pertinence du concept d'histoire - tant il est vrai que l'histoire nous paraît non point cette cohésion éclairante ou démonstrative de nagère, mais ce feuilleté qui nous défait préalablement de nos maîtrises. (...)
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La passivité
comme grain de folie
ou l'épreuve majeure d'Emmanuel Lévinas
La phénoménologie nous avait habitué dès l’origine à penser la crise de la conscience européenne, de la culture moderne, mais également la pathologie de la perception, les troubles véniels de la vie quotidienne ou la compréhension des affections mentales graves, voire les conditions de possibilité de la folie. Mais elle tendait ainsi à reconduire la folie à un a priori anthropologique, serait-ce sous forme d’expression de la finitude. Or la phénoménologie de la passiveté transphénoménale entend suggérer au contraire que la folie implique le soi lui-même comme responsabilité infinie. La folie n’est plus une simple manifestation d’une lésion de la nature, de l’humanité, de son être, de son activité ou de sa connaissance, ni même l’expression de la fragilité sentimentale, mais d’une passiveté sans pathétique. (...)
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Le respect
Le respect ! Lorsqu'on entend ce mot, nous avons tous une idée de ce que cela signifie : respect du silence, des pelouses, respect de la vie, respect du corps, et ainsi de suite. C'est un large champ sémantique qui nous obligera, ce soir, à préciser un peu le terme. Et nous verrons pourquoi finalement on nous demande de respecter le silence, de respecter les pelouses : ce n'est pas un hasard si l'on a choisi ce mot. Cela suppose aussi que nous ayons un regard plus précis sur ce vocable de respect. (...)
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Crise et reprise du spectacle de la cruauté
La chair au miroir médiatique de la cruauté La cruauté est une forme particulière de la violence qui implique la volonté de tyranniser l’autre, la saveur éprouvée du sang qui coule — d’où son lien ancien avec l’anthropophagie des “sauvages” et des princes tragiques, ce qui excède de loin le mythe, l’ethnologie ou le champ pathologique —, mais encore et surtout peut-être, une double impétuosité : l’une exercée contre la douceur naturelle éprouvée à l’égard des individus du même genre — avant même qu’il soit question d’altérité irréductible au genre —, et l’autre portée contre la miséricorde spontanée à l’égard de soi, de sa propre personne. Transformer une telle cruauté en spectacle, en jeu théâtral, en contenu médiatique ou en scénario contenu, en consolation philosophique, en descente poétique aux enfers ou au purgatoire, en union avec le chant qui sape l’envie, en exercice spirituel s’il le faut, en dramatisation intérieure, c’est négocier avec la cruauté, mais aussi voiler l’événement de l’altération, l’habiller, le tenir à distance, au risque de l’euphoriser, d’assimiler intimement cette pharmacie à sa vie. (...)
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Nature et surnature dans le Faust de Goethe par Edith Stein
(Traduit par Bernard forthomme )
Les travaux critiques de cette année consacrés à Goethe montrent clairement un effort pour une nette prise de position en faveur d'un esprit qui a formé son temps et la postérité, comme peu d'autres l'ont fait. Les plus âgés se demandent en quoi ils lui sont redevables pour leur formation et quelle portée lui revient aujourd'hui dans l'éducation de la jeunesse. Trois générations parmi les catholiques de notre temps manifestent des prises de position clairement différenciées. (...)
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Revue Américaine : Philosophie et théologie face aux émotions
Résumé : La philosophie française, depuis Montaigne, Descartes et Pascal — inscrits eux-mêmes dans une lignée augustinienne qui se refigure à l’époque médiévale avec Bernard de Clairvaux et les Victorins—, mais surtout à l’époque des Lumières, s’est attachée à repenser les passions d’une manière si radicale qu’elle pousse à s’interroger sur la nature du lien qui unit l’ordre des émotions et la philosophie. Serait-elle plus distanciée que ne peut l’être le discours théologique ? Une pierre de touche de cette problématique paraît être l’attitude respective de la philosophie et de la théologie face au théâtre, et d’abord à la tragédie grecque.
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